Entretien avec Hitoshi TANIKAWA

Antoine DI NOVI : TANIKAWA Sensei, merci de nous accorder cet entretien exclusif. Je suis honoré de pouvoir partager votre interview avec les lecteurs et les professionnels français et européens. 

Pour commencer, puis-je vous demander où vous êtes né, et votre âge ? 

Hitoshi TANIKAWA : Je suis né le 8 avril 1967 à Kamakura. J’ai 54 ans. Située à quelques dizaines de km de Tokyo, parfois appelée « Kyoto de l’Est du Japon », Kamakura est une ancienne capitale emblématique du Japon, pleine de charmes historiques et culturels ! 

Vous avez fait du base-ball à un haut niveau je crois ? Quelle est votre expérience à propos de ce sport ? 

Le base-ball est très populaire au Japon. Le Japon compte environ 3000 lycées qui comportent un club de base-ball. J’ai pu me hisser dans le dernier carré de la plus grande compétition lycéenne nationale annuelle. L’entraînement était très dur mais ce résultat heureux, faire partie d’un des 4 meilleurs clubs, a transformé les souffrances en joie ^_^ 

Vous pratiquez et enseignez le sokuatsu dans tout le Japon. Pouvez-vous nous dire en quelques mots en quoi consiste cette technique ? 

On foule avec le pied toutes les parties du corps, sans aucunement utiliser la main. 

Le sokuatsu permet de 

① délier les muscles

② faire circuler abondamment la lymphe

③ faire circuler l’énergie vitale le long des méridiens

④ ajuster le système squelettique en libérant largement les articulations

⑤ relâcher les fascias.

L’utilisation du pied, qui permet des pressions jusqu’à 7 fois plus puissantes qu’avec la main, confère au sokuatsu une pertinence particulière, notamment pour les effets ④ et ⑤ plus difficiles à obtenir par l’approche manuelle. J’attire ici votre attention sur le fait que le sokuatsu ne doit jamais être douloureux.  Je répète avec insistance qu’il faut pratiquer un sokuatsu « agréable, juste à la limite de la douleur » (ita-kimochi-ii). 

Les termes japonais SOKU-ATSU, ASHI-ATSU et ASHI-FUMI désignent-ils la même chose ? 

Ces mots ont le même sens. Cependant la seule méthode qui permette de bien traiter à fond des parties aussi délicates que le cou ou le crâne est le SOKUATSU TANIKAWA-RYÛ (sokuatsu de l’école Tanikawa). Le sokuatsu Tanikawa-ryû est une méthode éprouvée depuis plus de 30 ans. 

Son acquisition nécessite un apprentissage sérieux et appliqué. Pour bien le distinguer des autres sokuatsu, ashiatsu ou ashifumi, je demande à mes élèves d’utiliser la dénomination sokuatsu Tanikawa-ryû. 

Depuis quand pratiquez-vous le sokuatsu ? 

Depuis l’âge de 23 ans. Je n’ai pas eu de maître. Il s’agit donc d’une méthode complètement originale. 

Vos études de l’anatomie et la physiologie à la faculté d’éducation physique de l’université Tôkai vous ont-elles aidé à construire votre méthode sokuatsu ? 

Elles m’ont effectivement été utiles. J’appartenais également au club de sauvetage aquatique de l’université. Ces connaissances me servent encore aujourd’hui. 

L’université Tôkai, réputée pour son club de judo, forme des sportifs régulièrement médaillés dans cette discipline aux Jeux olympiques. Le sokuatsu est une technique précieuse pour les judokas. Le judo est également très populaire en France… Je serais très heureux qu’à l’avenir des praticiens puissent réaliser le sokuatsu Tanikawa-ryû sur les champions français, et donc d’autant plus ravi de vous transmettre cette technique. Le sokuatsu étant bien sûr par ailleurs extrêmement profitable aux sportifs de toutes les disciplines. 

Quels sont les effets physiologiques majeurs du sokuatsu Tanikawa ? 

Du fait qu’on réalise en même temps l’assouplissement des muscles, l’activation de la circulation lymphatique, le relâchement des fascias et la libération des articulations, le corps devient étonnamment léger. La méthode favorise également le rééquilibrage du système nerveux autonome. Ce puissant effet régénérant amène une sensation de rajeunissement. 

A qui s’adresse ce massage par pressions avec les pieds : sportifs, séniors, salarymen, femmes, hommes, enfants ? Quelles contre-indications ? 

Il s’adresse à tous mais, comme pour le massage manuel, ne doit en principe pas être réalisé sur les personnes atteintes de pathologies graves, d’hypertension artérielle, de diabète, d’ostéoporose, ainsi que sur les femmes enceintes, les personnes âgées (sauf traitement par un praticien expérimenté). 

La méthode est particulièrement appréciée en cas de raideur de l’épaule, de lombalgie, et d’une façon générale chez les sportifs et les personnes d’environ 40 à 70 ans. 

Chez les sportifs on arrive à bien assouplir des zones pour lesquelles le traitement manuel est peu aisé, comme notamment les muscles adducteurs et psoas. 

Quel est le ressenti d’une pression avec le pied pour le receveur ?  

Le receveur ne doit en aucun cas éprouver une sensation de poids ou de douleur. Le ressenti doit toujours être « agréable, à la limite de la douleur ». C’est tellement agréable que le receveur pousse des soupirs de délivrance. 

Pensez-vous que l’on peut vraiment être précis dans les techniques de pression avec le pied ?  

Bien sûr. On peut par exemple traiter chaque doigt du receveur, un à un. On peut fouler avec le pied toutes les parties du corps en dehors du visage. Le sokuatsu du crâne, qui libère les tensions des articulations de la tête, est particulièrement savoureux. 

Un pied est moins agile qu’une main, n’est-ce pas ? 

On s’aperçoit immédiatement de la présence du plus minuscule caillou dans la chaussure, n’est-ce pas ? Le dessous du pied, très sensible, détecte finement les contractures ou durcissements noueux (kori). La base du gros orteil capte particulièrement bien les kori

Quels sont les avantages selon vous du sokuatsu par rapport au shiatsu d’une manière générale, pour le donneur et le receveur ? 

Pour le praticien l’avantage majeur est de bien moins se fatiguer qu’en travaillant avec les mains. Je connais un praticien actif de 82 ans toujours bon pied bon œil. Le sokuatsu renforce le corps du praticien et prévient les troubles neurocognitifs. 

Les effets combinés du sokuatsu (indiqués plus haut) amène chez le receveur, pendant la séance, puis après la séance, une sensation de bien-être, puis de libération, incomparables. 

Au point d’en devenir une véritable addiction lorsqu’on se fait traiter tout le corps par un praticien expérimenté. 

Faut-il une tenue ou un matériel particuliers pour faire du sokuatsu ? 

Une tenue propre et offrant une bonne liberté de mouvement fait l’affaire. 

Si l’on prend en compte l’origine japonaise de la technique, le samue (vêtement traditionnel originellement porté par les moines dans les temples) est idéal. 

On utilise des chaussettes 5 doigts, autant que possible antidérapantes. 

Les praticiens qui ont un tronc solide n’ont besoin de rien, mais on peut s’aider d’une canne pour pratiquer. 

On utilise une chaise pour le sokuatsu de l’épaule et du cou. 

Existe-il un lien historique ou des points communs avec le shiatsu selon vous ? 

On dit que le shiatsu a pour lointaine origine le massage chinois. Le sokuatsu est une technique japonaise, parfaitement « made in Japan ». Comme je n’ai pas eu de maître, il s’agit par ailleurs d’une méthode totalement originale. 

Peut-on combiner la pratique du sokuatsu à celle du shiatsu ? 

De nombreux praticiens utilisent conjointement les deux techniques. 

Massage lymphatique & sokuatsu, streching & sokuatsu, massage ayurvédique & sokuatsu, massage aromatique & sokuatsu, fasciathérapie & sokuatsu, seitai & sokuatsu, entraîneur personnel & sokuatsu, yoga & sokuatsu, massage facial & sokuatsu, massage esthétique & sokuatsu sont autant d’autres combinaisons possibles. 

De nombreux praticiens intègrent le sokuatsu en raison de la fatigue causée par la pratique manuelle. 

Pensez-vous que le sokuatsu doit encore gagner en popularité au Japon ? Et dans le reste du monde a priori ? 

J’ai actuellement près de 1000 élèves dans tout le Japon. Je reste persuadé que, fidèlement transmise, cette technique pourra gagner le monde entier. Je souhaite mettre à profit notre heureuse rencontre pour commencer à diffuser le sokuatsu Tanikawa en Europe. 

La condition préalable est cependant une bonne compréhension de la technique. 

S’il s’agissait d’un simple engouement passager, cette méthode, qui continue de se propager, n’aurait pas duré si longtemps, 31 années à ce jour.  

Je profite de cet échange pour annoncer que nous allons proposer prochainement votre formation en France.  

Quel message souhaiteriez-vous adresser aux shiatsushi français et européens ? 

J’ai démarré la pratique de cette technique à l’âge de 23 ans. Dans le passé j’ai eu le privilège de traiter 3 Premiers ministres et plusieurs dizaines de ministres japonais, des sportifs de haut niveau, des chanteurs et de nombreuses personnalités de différents horizons. 

Lorsque j’avais 29 ans, le Premier ministre Yasuhiro NAKASONE m’a confié : « C’est une thérapie remarquable. J’aimerais que tu contribues à la diminution des dépenses de santé du Japon en formant de nombreux praticiens de cette spécialité ». Ce message de sagesse du Premier ministre, parfaitement entendu, est pour moi aujourd’hui encore une grande source de motivation.  

Je souhaite vivement qu’en France d’abord, puis en Europe, la méthode soit bien comprise, entièrement maîtrisée, et qu’à l’avenir ceux qui le souhaitent puissent à leur tour enseigner le sokuatsu Tanikawa aux praticiens shiatsu à travers toute l’Europe. Cette initiation dans les règles de l’art n’est pas chose aisée mais je suis impatient de m’y dévouer corps et âme. Chers amis, ensemble, donnons le meilleur de nous-même… avec nos pieds ! Construisons ensemble ce nouvel univers thérapeutique ! Mon objectif est de pérenniser au-delà de ce siècle ce savoir-faire inappréciable qui n’a rien d’une simple mode.

TANIKAWA Sensei, 

Merci à vous pour cet entretien. 

Et à bientôt ! 

©Hitoshi TANIKAWA

Entretien réalisé en japonais et traduit en français par Daniel MENINI